Charte de la laïcité et statut scolaire local sont-ils compatibles ?

Vincent Peillon vient de dévoiler la charte de la laïcité à l’école, ce dont se félicite l’UNSA-EDUCATION ALSACE.  Cette charte est évidemment en contradiction pour certains de ses articles avec le statut scolaire local. Chacun, à sa lecture comprendra très vite sur quels points les directeurs, ou les enseignants vont devoir jouer les équilibristes dans la présentation de la charte aux familles…  Mais au-delà de la sémantique c’est bien l’esprit de la charte qui est en opposition avec le statut scolaire local.

En effet, l’objectif de la charte c’est quoi ?

 

C’est faire de l’école l’endroit où se construisent des valeurs communes qui permettent de vivre ensemble en tant qu’élèves et ensuite comme citoyens dans la société. C’est permettre à l’école de tout mettre œuvre, pour rassembler tisser des liens indéfectibles entre les élèves quelque soient leurs origines, les convictions de leurs familles, en s’appuyant sur le socle des principes républicains et laïques.

 

C’est le contraire du communautarisme !

 

Or, à travers le statut scolaire local, l’école alsacienne et mosellane pratiquent ce communautarisme. Que dire d’autre, quand chaque semaine, on sépare les élèves ? D’un côté  on a ceux qui ont un enseignement religieux au nom des religions  concordataires (catholiques, protestants et israélites), en fait non pas « une religion d’état »,  mais « des religions de région ». De l’autre tous les autres, les sikhs, les musulmans, les témoins de Jéhovah, les bouddhistes, les athées, les agnostiques et j’en passe….

 

Symboliquement c’est très fort !

 

Au lieu de rassembler, le statut scolaire local sépare, divise. On affiche sa différence à un moment de la semaine, et une différence que l’on cache aux autres.

 

Le statut scolaire local peut être aussi une atteinte à la liberté de conscience !

 

Lorsque dans certains villages vous avez près de 90% des élèves qui vont en enseignement religieux, demander une dispense c’est sortir son enfant du groupe classe, et certains élèves ne le comprennent pas et demandent à leurs parents de ne pas les dispenser. Mais c’est aussi pour les familles, afficher leurs convictions ou leur différence aux yeux de la communauté villageoise. C’est ce qu’on peut appeler une pression sociale implicite, quand quelquefois elle n’est pas carrément explicite !

 

l’UNSA-EDUCATION POUR LE PRINCIPE DE LAÏCITE MAIS AUSSI DE REALITE

 

Pour l’UNSA-EDUCATION, il faut dissocier le droit des cultes (concordat) et statut scolaire local qui s’appuie plutôt sur d’anciennes lois allemandes. Pour l’UNSA-EDUCATION ALSACE  toucher au statut scolaire local ne remet pas en cause le statut des religions en Alsace, encore moins le Droit Local. (social économique, commercial…)

 

Notre demande est non pas que l’état cesse d’organiser l’enseignement religieux comme la loi l’y oblige, mais que dans le 1er degré cet enseignement soit organisé en 25ème heure, en dehors des 24 heures de temps scolaire normal. D’une part,  nous sommes passés en quelques années de 27h de cours à 24h dans lesquels il y a toujours une heure d’enseignement religieux. Les élèves d’Alsace doivent avoir droit au même temps scolaire que les autres enfants de France pour effectuer les mêmes programmes.

 

D’autre part, la société alsacienne a évolué (comme l’attestent les chiffres)  devenue multiculturelle.  On ne peut  rester figé sur un statut datant de plus de 100 ans qui l’ignore.

 

Les chiffres de fréquentation de l’enseignement religieux attestent de cette évolution.

 

La fréquentation en enseignement religieux  dans le 1er degré en 2013  à Strasbourg est de 30% et de 39 à 40% dans la Communauté Urbaine de Strasbourg.  La participation à Mulhouse est actuellement  de 20% dans le 1er degré.   Pour le secondaire, les chiffres étaient en 2011 de  13,8% en lycée, et de 31,2% en collège.

Les mêmes chiffres de 2011 donnaient 63,7%  de participation pour l’ensemble de l’académie dans le 1er degré. Il y a donc une érosion lente de la participation des élèves à tous niveaux sauf dans les lycées. Dans le 1er °  de l’académie en 2006-2007, on était à 71% pour tomber à 63,7% en 2011, soit  8 points en quatre ans. En 1997, la participation était de 80%!

 

Christian MOSER

Secrétaire régional UNSA-EDUCATION ALSACE

 

Le statut scolaire local, facteur de cohésion ou de division de la société alsacienne ?

 

Je ne vais pas faire un historique du statut scolaire local ! Construction complexe, produit de l’Histoire, dont les fondations sont un  enchevêtrement de lois allemandes, françaises successives…, je l’abandonne aux spécialistes.

Ce que l’on peut affirmer c’est que ce statut a toujours séparé les élèves, les communautés.  Jusque dans les années 1970 il y avait des tensions plus ou moins fortes selon les époques, entre catholiques et protestants.

Avant 1924, les écoles étaient confessionnelles (catholiques ou protestantes).  En 1924, sont apparues les 1ères écoles interconfessionnelles, l’archevêque de Strasbourg avait menacé d’interdiction de communion solennelle, les élèves de ces écoles « en raison des dangers auxquels y est exposée la foi des enfants catholiques».

Décret du 3 septembre 1974 : après une lutte acharnée le SNI (Syndicat National des Instituteurs), obtient enfin la non-obligation pour les instituteurs d’enseigner la religion à l’école ; mais il faudra attendre la fin des années 80 afin que l’étiquette confessionnelle disparaisse du dossier des enseignants et que le mouvement se fasse indépendamment de cette étiquette..

Il faut s’imaginer, qu’auparavant, vous pouviez avoir dans le même village une école communale confessionnelle catholique et une école confessionnelle protestante avec tous les MURS d’incompréhension et de préjugés qui pouvaient en découler.

 

Donc ce statut, s’il a évolué, c’est bien sous la pression de la société, mais aussi des luttes acharnées de syndicalistes enseignants. Ce statut doit continuer à évoluer et l’enseignement religieux doit disparaître du temps scolaire !