Laïcité et éducation prioritaire : la liminaire de l’Unsa Education au CTA du 26 janvier 2015

Monsieur le Recteur,

Mesdames et Messieurs les membres du Comité Technique Académique,

Avant d’entrer dans le vif des débats, vous me permettrez de vous adresser à toutes et à tous les meilleurs vœux de notre fédération pour l’année 2015 ; dans nos vœux de 2013, nous espérions que cette année-là resterait comme une année de référence en ce qui concerne le dialogue social dans l’académie de Strasbourg. Notre certitude est bien que 2014 restera une année déficitaire en ce domaine, en tous les cas sur certains sujets. Nous y reviendrons.

Cette année commencée de manière dramatique, met à nouveau sur le devant de la scène, le constat déjà effectué par une enquête en 2004, restée sous le boisseau, mais aussi, depuis longtemps, par les personnels dans les établissements dits sensibles : une partie de la jeunesse, principalement en éducation prioritaire, mais pas uniquement, n’adhère pas aux valeurs républicaines, ne se reconnaît pas en tant que citoyens de notre République. On ne pourra pas, cette fois, se contenter d’effets d’annonce sur le coup de l’émotion.

Certes, La question de la laïcité, de la citoyenneté sont des éléments à renforcer ; l’enseignement civique et moral devra y participer même si dans sa mouture actuelle il interpelle sur l’articulation de ses contenus et de sa mise en place concrète dans les établissements.

Les onze mesures annoncées par Madame la Ministre, vont pour partie dans le bon sens ; au-delà des mesures symboliques (tels que hymne national, signature par les parents de la charte de la laïcité, du règlement intérieur) la formation de formateurs pour une véritable formation des enseignants sur la difficile question de la laïcité est appréciable, à condition que cela se construise dans la durée. Les travaux d’intérêt général peuvent être une alternative intéressante à certaines sanctions, si elles se situent dans l’idée de réparation et prennent sens pour le jeune. Cependant, cette mesure risque d’être compliquée à mettre en place dans la mesure où elle pourrait s’articuler avec le milieu associatif, mais aussi d’un point de vue juridique, puisqu’il s’agira d’injonctions ou préconisations non judiciaires.

Plus surprenante est l’expression : « ne rien laisser passer !». Cet ordre, est d’une part tellement subjectif, tellement révélateur de la non connaissance de la jeunesse, tellement éloignée du travail quotidien des équipes éducatives que cela en est inquiétant.

Mais, toutes ces mesures ne peuvent être que des mesures d’accompagnement à l’essentiel : permettre à l’école de jouer son rôle républicain d’ascenseur social, de donner un vrai espoir d’insertion à cette jeunesse dans la société. Au terme d’apartheid, employé par le 1er ministre, qui fait plutôt référence à des systèmes politiques pour lesquels tous les citoyens ne sont pas égaux devant la loi, nous préférons celui de ghetto social. Il correspond à une catégorie de la population dite socialement défavorisée pour laquelle les chances de voir ses enfants accéder à « un monde meilleur » sont minces. La France, étant moins bonne qu’en d’autres pays en ce domaine, indique bien qu’il n’y a pas de fatalité. La loi sur la refondation de l’école, qui a pour objectif de répondre à ce défi, ne pourra y faire face si parallèlement, toute la société ne se remet pas en question, si on ne change pas radicalement de politique urbaine. Il est temps de concrétiser les discours : l’unsa-éducation revendique une remise à plat de la carte scolaire qui doit aboutir à une réelle mixité sociale et scolaire. Pour cela il faut une réelle volonté politique ; comment, Monsieur le Recteur allez-vous mettre en œuvre la mixité demandée par Mme la ministre ?

Une condition absolument nécessaire pour les équipes concernées : travailler dans la sérénité, avec un accompagnement et une confiance sans faille de l’institution.

 

Concernant la laïcité appliquée à l’Alsace Moselle, nous avions déjà dénoncé les incohérences de la charte de la laïcité avec le statut scolaire local. Cela va désormais être encore plus compliqué pour les équipes d’expliquer aux élèves l’importance de la laïcité, de faire signer cette charte quand elle ne s’applique pas aux établissements d’Alsace Moselle : quand d’abord, l’enseignement religieux ne s’adresse qu’à trois religions créant un sentiment d’injustice pour celles qui en sont exclues ; quand on sépare les élèves au nom de leur religion, ou des convictions non religieuses des familles, dans une école qui « doit être le temple du vivre ensemble » ; quand sont tenus dans certains cours de religion des propos inadmissibles sur la vision du monde et de la société. A cela, l’enseignement civique et moral va ajouter de nouvelles questions : est-ce que l’enseignement religieux va se substituer à cet enseignement ? S’il s’y ajoute, comment articuler cet enseignement avec celui de l’heure de morale pour les élèves dispensés de l’enseignement religieux ? Comment gérer les contradictions entre l’enseignement moral et civique, du fait même de son contenu, et l’enseignement religieux.

Pour l’Unsa-éducation il est temps que ce statut scolaire évolue ; la voie réglementaire pourrait suffire  en modifiant l’article D.481-2 du code de l’éducation pour aller vers un enseignement religieux optionnel en 25 ème heure dans le 1er degré. L’article actuel prévoit d’ailleurs la possibilité pour le recteur de porter l’horaire à 25H au cycle 3 dans le cadre d’une heure supplémentaire d’enseignement religieux. Pour le collège, aller vers un enseignement religieux optionnel et de fait supprimer la demande de dispense.

Nous vous demandons de transmettre cette demande aux ministres concernés.

 

Revenons au dialogue social dans l’académie ; la période du mois de décembre restera dans les annales de l’académie, pour ce qui est du manque de considération de l’administration pour les organisations syndicales représentatives, du déni d’un véritable dialogue sur un sujet aussi sensible que celui de l’éducation prioritaire.

A ce jour, nous attendons encore les données chiffrées ayant alimenté les critères de classement pour la nouvelle carte de l’éducation prioritaire. Ces chiffres sont faux ou erronés. Nous en avons la preuve puisque par miracle nous avons pu les voir circuler pour le réseau du Stockfeld.

D’ailleurs les chiffres eux-mêmes relèvent du miracle :

  • taux de chômage 9%, moins que Strasbourg à un peu plus de 10%, (35% secteur Reuss)
  • revenu moyen 18544 euros pour 17000 euros (7700 euros secteur Reuss)

Par votre manque de transparence vous n’avez pas permis aux organisations syndicales de faire leur travail de vérification ; par votre manque de transparence vous avez installé la suspicion sur les travaux de votre administration, partagée par les représentants des personnels, les personnels concernés, mais aussi les parents d’élèves.

Ces derniers mobilisés sur le secteur du Stockfeld sont dans une totale défiance face à l’administration du fait de la gestion catastrophique de ce dossier par les autorités académiques. Et n’allez pas croire qu’ils sont manipulés par les enseignants pour de meilleures indemnités.

Nous continuons à demander ces données ; nous demandons qu’en ce qui concerne le Stockfeld on réalimente les critères avec les vrais chiffres afin de vérifier la pertinence de votre classement.