Les études Pisa et Pirls, largement commentées par des politiques et des experts de tous poils investis d’une mission de sauvetage envers le « paquebot Education Nationale », ont allègrement contribué à plomber le moral, l’enthousiasme et le travail des enseignants de maternelle. A contre-courant de ces études, celle de la DEPP* publiée récemment** montre qu’entre 1997 et 2011, le niveau des élèves s’est largement amélioré. Ceci malgré l’esprit des programmes de 2008 et grâce aux enseignants de maternelle.
15 000 enfants sortant de maternelle en 2011 ont été confrontés à 100 questions auxquelles avaient répondu les écoliers de 1997. Le résultat est sans appel. En 1997, ils réussissaient 66 % des questions. En 2011, 74 %. Tous les élèves, y compris les plus faibles ont progressé en quatorze années.
Un autre résultat est mis en éclairage dans cette étude : les élèves ont moins envie d’aller à l’école (64,5 % en 2011 contre 68,9 % en 1997).
Pour la DEPP, cette progression est attribuable en partie à l’élévation du niveau de diplôme des familles (42 % de mères diplômées du supérieur en 2011 contre 22 % en 1997), ainsi qu’au fait que la maternelle est de plus en plus tournée vers la préparation des futurs apprentissages de l’école élémentaire .
Quelles conclusions tirer de ces données ?
Sur la période étudiée par la DEPP, les programmes ont changé. Ceux de 1995, centrés sur le “Vivre-ensemble“, ont cédé la place en 2002 à des programmes mettant “le langage au cœur des apprentissages”, avant que ceux de 2008 ne recentrent les enseignements sur les “fondamentaux »
Chaque réécriture a, peu à peu, réduit les programmes en laissant de côté des domaines entiers d’apprentissages. En effet, on a « primarisé » les enseignements en privilégiant l’écrit, l’évaluation, le travail sur fiches, en oubliant au passage, que l’école maternelle avait également des missions d’accueil, de bienveillance, d’écoute, d’épanouissement. Au détriment, aussi, du jeu, de l’expression orale, des activités artistiques.
Sur la question de la maternelle, deux idéologies s’affrontent, immuablement. D’un côté, les tenants de l’instruction pure, dure et simple -on se souvient des mots méprisants de Xavier Darcos en 2008 à propos des enseignants d’école maternelle qui «changent des couches», de l’autre, les partisans de l’accueil et de la bienveillance, sur l’exemple des pays nordiques.
L’école maternelle française avait une identité propre qu’on nous enviait dans le monde. Cette école maternelle existe toujours grâce à de nombreux enseignants ; résistant à la pression hiérarchique, ils ont continué d’offrir à leurs élèves, un enseignement de qualité en favorisant tous les domaines d’apprentissages.
Il est temps de rappeler à tous ses détracteurs les véritables missions de l’école maternelle. Elle doit redevenir une école d’épanouissement, d’exploration, où on apprend peu à peu à vivre ensemble, une école à qui on donne les moyens d’armer les enfants, particulièrement ceux qui n’acquerront pas le savoir ailleurs, et d’en finir avec une école qui ressemble à l’école élémentaire.
Dans sa nouvelle politique, notre ministre semble aller dans le bon sens, en favorisant à nouveau la scolarisation des moins de trois ans, en affirmant que l’école maternelle est une école à part entière où la Grande Section retrouve sa place légitime, en créant à nouveau des postes dont une partie a permis quelques ouvertures en maternelle …
Ces premiers signes encourageants annoncent peut-être des lendemains qui chantent. Attendons la suite et restons vigilants !
Agnès KNIPPER
(*) Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance de l’Education Nationale.
(**) Etude publiée le 13 sept. 2013.