J.M. Blanquer dit : « NOUS SOMMES PRETS ! » L’ensemble des enseignants répond : « Ah bon ??? »

Acte 1 : Fermeture des écoles et confinement
Dès la fermeture des écoles et autres établissements d’enseignements, notre très médiatique Ministre de tutelle annonce haut et fort que, pour la continuité pédagogique, nous étions prêts.
Nous étions « heureux » de l’apprendre, nous, enseignants et donc les premiers concernés.
Quid des équipements informatiques ? Ordinateurs, scanner, imprimantes, connexion Internet, etc.
– Quid des ressources numériques ?
– Quid d’une informatique Education Nationale qui se distingue surtout par son incapacité à répondre aux besoins ?
– Quid de la formation initiale nécessaire pour se prêter à cet exercice d’un genre complètement différent de celui de gérer une classe en présentiel ?
– Quid de l’équipement en téléphonie pour assurer le lien avec les familles ?
– Quid de l’équilibre vie pro/vie perso ?
– Quid de l’organisation de l’accueil des enfants de soignants puis de ceux des personnels indispensables à la crise ?

Seul point d’appui, une FAQ gouvernementale ayant valeur de circulaire donc injonctive comme engageante et des mails, de nombreux mails, contradictoires souvent, anxiogènes…

Bref, enseignants et directeurs n’étaient pas vraiment prêts, pas du tout prêts pour être honnêtes.
Mais chacun a réagi pour assurer à la fois l’organisation de l’ensemble (malgré des directives bien souvent contradictoires), cette continuité pédagogique (avec des instructions diverses et variées et des attendus particulièrement imprécis), l’accueil des enfants qui devaient être accueillis (sans équipement aucun au moins au départ et dans des conditions parfois plus que précaires pour ne pas dire rustiques).

Et la machine a tourné ! Le service public d’éducation a rempli ses missions grâce, et uniquement grâce aux « petites mains » de l’Éducation Nationale.

Acte 2 : déconfinement progressif
Dès l’annonce de la date de déconfinement et donc de la réouverture progressive des écoles, promesse présidentielle annoncée sans concertation et surtout sans réflexion aucune, chacun voulait se préparer et diverses options étaient envisagées au niveau local.

Puis est tombé un dimanche soir le fameux « protocole sanitaire ». Un dimanche soir… en ne laissant que quatre jours ouvrés pour mettre en œuvre un protocole inapplicable et bousculant de fait les équipes pédagogiques (tout en continuant d’assurer les missions confiées depuis quelques semaines) et les services communaux.
Mission quasi impossible et pourtant chacun y a mis l’énergie nécessaire pour y arriver. Pas forcément pour la date choisie par « l’Elu » mais toujours le plus rapidement possible.

Techniquement, de nombreuses problématiques ont émergé (et émergent encore) :
Capacité d’accueil des salles,
– Aération de ces dernières (surtout si elles sont équipées d’une VMC dont personne ne connait le type et donc le fonctionnement),
– Balisages et déplacements,
– Restauration scolaire, périscolaire et articulation avec les équipes. Le tout avec des consignes et des protocoles divergents !
– Matériel adéquat (masques, gel hydroalcoolique, savon, serviettes à usage unique, produits d’entretien conformes à la norme NF EN 14476, etc.),
– Etc.

Humainement (parce qu’il faut quand même – faire au moins semblant d’– en tenir compte), les failles se découvrent au jour le jour.
Quid de ma situation si je suis personnel à risque, personnel vivant avec une personne à risque, personnel ayant des jeunes enfants et sans solution de garde, etc ?
 Réponses fluctuantes au fil du temps et dépendant de l’autorité locale.
Quid des enfants qui pourront ou devront être accueillis ?
Choix pédagogiques des équipes mais trop souvent des maires.
Quid de cette quasi obligation de remplir mes ORS à 200% ?
Répartissez-vous les tâches ! A moyens constants bien entendu car ce ne sont pas les rares remplaçants disponibles (pas déjà sur un remplacement) qui ont permis de palier aux réels besoins de renfort sur tout le territoire.
Quid de la décharge des directeurs ?
Sans remplaçant, répartissez ses élèves entre les autres membres de l’équipe ou tant pis, c’est l’accueil qui prime.
Quid de la réorganisation quotidienne ou presque des groupes et donc des plannings de chacun ?
Réunissez-vous, trouvez des solutions mais surtout accueillez, le Ministre l’a dit !

La FAQ gouvernementale devient fluctuante : ce qui est mis en place le matin n’est peut-être plus valable à midi car elle change plusieurs fois par semaine. Chacun doit s’adapter, trouver des solutions, repenser toujours en urgence son organisation et familiale et professionnelle en se posant mille questions sans réponse ou avec des réponses insatisfaisantes, frustrantes, lésantes (souvent voire toujours au détriment de la famille).
Comment assurer à la fois le présentiel et le distanciel ?
Sans moyens humains suffisants, impossible de faire autrement que d’assurer les deux au final. Les réponses apportées par une hiérarchie aussi débordée que nous ne sont autres que promesses politiciennes ne tenant absolument pas compte de la réalité du terrain.
Comment garantir les conditions de sécurité respectant le protocole sanitaire mais avec des instructions fluctuantes ?
Assurer l’étanchéité des groupes (notion qui ne peut que faire rire jaune) tout en assurant l’accueil de plus en plus d’enfants dans des locaux qui n’ont pas été pensés pour cette situation et avec des moyens humains en nombre insuffisant sont des contraintes qui deviennent impossible à faire coexister.
Comment faire revenir les « décrocheurs » ?
Des intentions ministérielles fortement médiatisées mais des questions pour ceux qui sont sur le terrain, questions qui attendent toujours des réponses concrètes de « ceux d’en haut ».

Et la machine a tourné ! Le service public d’éducation a rempli ses missions grâce, et uniquement grâce aux « petites mains » de l’Éducation Nationale.

Acte 3 : la rentrée de septembre et sa préparation
Alors là, c’est le grand flou.

C’est donc un acte à écrire mais il faut attendre les instructions du Grand Manitou, injonctions qui tomberont peut-être le 30 ou 31 août au soir, à la veille d’accueillir les élèves…

Et pour les vacances ?
Cette comédie dramatique en trois actes nous a usé. Tous. Certains ont même craqué… et la sérénité attendue urgemment ne semble pas pour demain, encore moins avec le flux incessant d’annonces ministérielles aussi irresponsables que précipitées et confuses.
Alors quand nous entendons le Ministre parler de « vacances apprenantes » et de 25 000 enseignants qui seraient volontaires pour les assurer (alors que pour les stages de remise à niveaux des vacances le ministère peine à trouver 5 000 volontaires), nous nous inquiétons. Soit le concept de base définissant le volontariat sera mis à mal par une pression hiérarchique afin de remplir la horde des « volontaires », soit une bonne partie de ce projet (dont la maquette finale n’est toujours pas connue) ne se réalisera pas « à cause des enseignants » entendrons-nous sur le canal officiel du gouvernement (comprendre BFMTV).
Le #profbashing va pouvoir se répandre plus vite que le virus…

Laure Trémolières et Didier Charrié
Enseignant·e·s, directeur, militant·e·s et co-secrétaires départementaux du SE-Unsa 67