Un bon prof? Une définition impossible
Il n’est pas mauvais de se poser de temps en temps la question suivante: C’est quoi un bon prof? Imprudence de l’enseignant ou effort de lucidité? Il sait en réalité qu’il n’y a pas de réponse simple.
Pour le troll qui sévit sur la toile, le bon prof ne doit pas exister, ou alors il pense à la Custer ou à la Sheridan, un bon prof, c’est un prof mort. Cela a peut-être existé, mais il n’ y en a plus. Pour se rassurer, le professeur en quête d’introspection peut se laisser séduire par une stratégie d’évitement, et penser que c’est plus facile de définir un « mauvais prof ».
On imagine que le « pas bon prof » est souvent absent, qu’il est en retard sur des programmes qui l’intéressent moyennement, et il a tendance à penser que si cela ne se passe pas bien, c’est uniquement de la faute des élèves.
On avance à peine, et le prof peut tenter de se convaincre que le bon prof ne peut pas exister, tant les attentes sont différentes. C’est quoi un bon garagiste? Celui qui a des clients impécunieux aux véhicules tout cabossés, qu’il réussit à faire rouler, ou le spécialiste de voitures de luxe, dont les coûts de maintenance sont très élevés? Traduisons, peut-on comparer un prof qui enseigne dans un établissement difficile, dont une partie de la tâche consiste à faire que ses élèves n’abandonnent pas en cours de route, avec un professeur d’un établissement favorisé, qui sait que la majorité de ses élèves est sur le chemin de formations très sélectives? Le point commun, c’est qu’ils ont su s’adapter aux demandes spécifiques, mais rien ne garantit que les deux garagistes et les deux profs sont substituables.
Le prof qui s’interroge ne peut se contenter de ces échappatoires.
Trois mots clés peuvent le faire avancer dans sa réflexion.: le savoir-faire, le coeur et le temps [a].
Pour intéresser les élèves, leur inspirer confiance, il faut un minimum sinon de talent, du moins de qualités intellectuelles et de savoirs académiques, en principe certifiés par les concours.
Il faut aussi du cœur, ou si on préfère une forme de générosité. Il ne suffit pas de penser : « Ma discipline et mon cours sont intéressants » pour faire adhérer les élèves. Il ne s’agit pas de confondre démagogie et pédagogie, mais il faut trouver les moyens de leur tendre la main (par la sensibilisation, en donnant du sens à ce qu’on fait) pour les faire progresser sur le chemin de la connaissance.
Enfin, il faut aussi consacrer du temps à son métier. On peut bien maîtriser les savoirs à enseigner, on peut aimer les transmettre, si on ne passe pas assez de temps à préparer la mise en œuvre du cours (diversité des phases et supports pédagogiques etc.), le résultat a peu de chances d’être bon.
Rappelons aussi qu’on ne s’improvise pas prof, c’est un métier qui s’apprend, on a besoin d’une solide formation et l’aide de collègues plus expérimentés; on se souvient avec incrédulité, qu’il y a quelques années, un gouvernement avait supprimé la formation et les néo-titulaires étaient lancés sans quasiment de préparation dans le grand bain. C’est un bon moyen de leur faire boire la tasse.
La formation est indispensable, mais elle ne doit pas être un simple formatage en x compétences. Le vrai défi pour un professeur, c’est d’apprendre à se connaître. Il peut expérimenter différentes techniques, faire beaucoup d’erreurs surtout s’il a peu de classes (d’où l’importance d’alléger le service des néo titulaires) et ensuite, il définira son style, sa patte, lui permettant de donner plus et d’obtenir plus des élèves. Enseigner, c’est écrire une histoire avec ses élèves. Et si chaque année, il y a des passages communs, beaucoup d’autres sont à réécrire et à réinventer.
Pour terminer une question subsidiaire, est-il raisonnable de chercher à être un très bon prof ? Nous ne sommes pas des sprinters, mais des coureurs de fond, ou plutôt des marathoniens de l’éducation tenus non pas de faire 42 km, mais 42 annuités. Danger quand on commence trop fort, il faudra garder du souffle et de l’envie sur ce long parcours.