« Tu as déjà songé à changer de métier toi ? »

Cette question un peu taboue, qu’on n’ose pas trop se poser, fait pourtant de plus en plus son apparition au cours de discussions en salle des maitres, entre deux portes, à la fin d’une énième animation pédagogique.

Ce métier pour lequel on s’est battu et pour lequel on se bat encore. Ce métier qui nous a tant fait rêver, pour lequel certains ont tout plaqué, pour lequel d’autres ont repris de longues études, pour lequel d’autres ont stressé, bachoté pendant de longues heures. La dévalorisation de notre métier nous mène aujourd’hui à nous poser de sérieuses questions sur notre avenir dans l’éducation nationale.

Mais avant tout je vous propose de faire avec moi un petit bond dans le passé… Pourquoi avoir choisi cette voie là quand vous étiez au carrefour de votre orientation ?

Vous aviez la fibre enseignante ?
Vous étiez rassuré d’avoir ce « précieux » statut de fonctionnaire ?
Vous vouliez transmettre un savoir ?
Travailler auprès d’enfants ?  

C’est donc plein d’espoir, avec cette vision plus ou moins idyllique du métier d’enseignant que vous avez passé le CRPE…. Et puis, dès la première année de stage, alors que vous n’étiez même pas encore titularisé (e), les choses ont commencé à se gâter sérieusement.

Nommé (e) sur un poste peut-être un peu compliqué, sans aucun bagage, vous voilà face à votre classe. La première claque. Les suivantes arriveront très vite : un mouvement informatisé et arbitraire qui vous nommera sur un poste qui ne vous convient pas, des classes surchargées, des situations de classe extrêmement difficiles à gérer, une hiérarchie sourde à tous ces problèmes et qui vous met une pression permanente sur les épaules….

Bref, plus vous avancez et plus vous êtes en droit de vous demander : « Mais qu’est-ce que je fais là ? »

Nous marchons actuellement tel un funambule sur un fil rouge. La réforme que tente de nous imposer notre gouvernement rendrait notre statut encore plus précaire et renforcerait notre questionnement. A nous de faire changer les choses. Car « le nouveau métier enseignant » que veut mettre en place le ministre, avec l’aval du président, n’est rien d’autre que l’application en France du New Public Management (NPM) ». (CF. Le café pédagogique, l’expresso du 20 décembre 2019).

En appliquant ce système de management, les évaluations nationales vont être un levier pour juger du niveau de « compétences » d’un professeur des écoles. Un enseignant dont les élèves n’ont pas de bons résultats aux évaluations pourra alors passer, aux yeux de l’administration, pour un enseignant ayant de mauvais résultats : logique implacable du monde de l’entreprenariat.

Dans la vision du NPM ce contrôle doit permettre de relever le niveau des élèves. Or on a pu constater, par l’expérience des pays qui l’utilisent, que cette manière de gérer le personnel enseignant a surtout eu pour effet de les pousser à la démission.

Il est clair que notre métier change et évolue. Notre gouvernement tente depuis plusieurs mois de nous imposer cette vision entrepreneuriale de la gestion des ressources humaines.

Mais contrairement aux techniques dites managériales, il a peut-être oublié que le corps enseignant est composé d’individus faisant bloc autour de valeurs qui leurs sont chères et qui le fédèrent : la solidarité, le respect, la mutualisation des ressources, l’empathie… Toutes ses valeurs qui nous poussent à nous soutenir les uns les autres et à poursuivre le combat.

Ce combat qui consiste à exprimer notre mécontentement et notre refus des nouvelles réformes que le gouvernement tente de nous imposer. Ce combat qui pourra se poursuivre au travers de manifestations, de grèves et d’articles relayés par la presse.

Ce combat qui fera, je l’espère, plier le gouvernement ; et nous accordera des conditions de travail et une rémunération décentes. Ce combat qui nous lie et qui nous permet de répondre aujourd’hui : « Je suis là car il faut continuer à se battre, car ce métier je l’aime et malgré toutes les difficultés auxquelles je suis confronté quotidiennement, il continue à m’apporter beaucoup ».

D.L.