Les IEN tirent la sonnette d’alarme…eux aussi !

Réunis en collège académique le 9 septembre, les IEN de l’académie de Strasbourg ont adressé à la rectrice et aux DASEN du Bas-Rhin et du Haut-Rhin une déclaration intersyndicale dans laquelle ils poussent un réel cri d’alerte.

Lors de cette rentrée, comme au cours de l’année scolaire dernière, marquée par une crise sanitaire qui ne cesse de se prolonger, les inspecteurs de l’Éducation nationale ont le sentiment d’avoir perdu le sens de leur métier. Alors même qu’au sein de leur circonscription, les inspecteurs de l’Éducation nationale ont permis et permettent encore d’assurer au mieux la continuité du Service public d’éducation, les mêmes difficultés semblent produire, dès maintenant, les mêmes effets : le système éducatif semble fonctionner selon un mode de transmission descendant et injonctif, en ne tenant compte en aucun cas du contexte sanitaire, d’une part, et en niant les difficultés liées à un déficit d’enseignants, d’autre part. Il nous faut, à nouveau et encore, faire semblant d’affirmer un fonctionnement tout-à-fait normal des écoles, malgré de nombreuses interrogations qui restent sans réponses à ce jour et en dépit d’une dégradation certaine des conditions d’exercice de l’ensemble des personnels et des fortes tensions sociétales qui affectent aussi l’École.

Trop souvent, les instances nous réunissant paraissent déconnectées de la réalité : trop de priorités, toutes plus prioritaires les unes que les autres sont présentées, sans aucune hiérarchisation et avec une trop faible prise en compte des réalités du terrain : plan Mathématiques, plan Français, visites d’instruction au domicile -dans un contexte très inflationniste-, opération « Petits déjeuners à l’école », cités éducatives, savoir nager, savoir rouler à vélo, lutte contre le harcèlement, évaluation systémique d’établissements scolaires… C’est oublier que les circonscriptions d’inspection du premier degré fonctionnent sur un petit nombre de personnes, d’une part, et que beaucoup d’entre elles ont été largement renouvelées ou sont incomplètes pour cette rentrée, d’autre part. S’ajoutent encore à ces priorités prioritaires de nombreuses tâches conséquentes et frappées du sceau de l’urgence confiées par courriels, voire par textos, sans aucune information préalable ni estimation de la durée qui pourrait y être consacrée, alors que certaines peuvent s’avérer extrêmement chronophages. Ce fardeau déjà lourd ne saurait faire oublier que les équipes de circonscription sont également chargées du suivi de l’intendance et de la distribution-livraison des masques, auto-tests et autres cahiers d’évaluations nationales aux écoles : les inspecteurs de l’Éducation nationale sont-ils encore des personnels d’encadrement ou sont-ils devenus de simples exécutants taillables et corvéables à merci et au mépris de leur statut de cadres de la Fonction publique ?


En ce début d’année scolaire, les inspecteurs de l’Éducation nationale s’interrogent sur leur rôle et leurs missions et, en définitive, ont trop souvent le sentiment d’être instrumentalisés au bénéfice d’une politique éducative privilégiant le quantitatif au qualitatif, phénomène encore exacerbé en cette période pré-électorale. Cet état de fait a induit et induit encore malgré les vacances estivales, chez de nombreux collègues, une réelle forme de souffrance au travail :

  •  « impression d’être broyé dans un engrenage »,
  •  « fragilité en termes de santé physique et émotionnelle »,
  •  « perte du sommeil et stress »,
  • « stade d’épuisement atteint »,
  • « impression de fonctionner sans réfléchir »,
  • « crainte de faire des erreurs, des oublis ou de mal faire son travail » …


Cette souffrance réelle et trop souvent silencieuse
ne semble pas prise en compte par l’institution. Elle est également trop peu prise en compte par les intéressés eux-mêmes, qui hésitent à se mettre en retrait, au risque de l’épuisement, par crainte de voir cette charge de travail simplement ajournée –et donc alourdie- ou incomber à l’équipe de circonscription. Les inspecteurs de l’Éducation nationale ne sont, par ailleurs, pas les seuls à souffrir de cette situation : de nombreuses équipes de circonscription sont en réalité concernées ; le nombre de départs de conseillers pédagogiques ou d’enseignants-formateurs et les difficultés à en recruter de nouveaux en attestent également.

Madame la Rectrice, Messieurs les Inspecteurs d’académie, nous affirmons clairement que nous ne revivrons pas une nouvelle année scolaire dans de telles conditions. Aujourd’hui, nous tenons les parois d’un vaisseau naviguant à l’aveugle, sans phare à l’horizon. Nous vous demandons :

  • de clarifier et de hiérarchiser les multiples priorités qui s’annoncent et dont certaines semblent incompatibles avec un bon fonctionnement de l’École en cette période de sous-effectifs, avec toutes les difficultés de remplacement qu’elle induit et qui ne sauraient être niées;
  • de les mettre en adéquation avec le temps et les moyens dont nous disposons effectivement ;
  • de prendre en compte le fait que ce constat et ces interrogations sont très largement partagés par les inspecteurs de l’Éducation nationale de notre académie.

La déclaration intersyndicale SIEN-Unsa et Sgen en intégralité